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Voiture électrique : miracle ou mirage ?



Alors que l’Ademe et l’état se sont engagés à soutenir la migration du parc automobile français vers l’électrique, Bertrand-Olivier Ducreux, ingénieur à la direction Mobilité et transports, partage son évaluation des enjeux. Comme pour toutes les problématiques environnementales, celle de la voiture électrique s’avère complexe.

Un bilan plutôt positif pour la voiture électrique

« Sur le long terme, une voiture électrique est effectivement plus écologique qu’une voiture thermique », affirme le chercheur. Pour bien mener la comparaison, il faut en effet prendre en compte la fabrication, l’utilisation et la fin de vie du véhicule. « Pour sa production, une voiture électrique génère davantage de pollution (selon certaines études, 50 %) mais au-delà d’un certain nombre de kilomètres, variable selon les modèles, elle a un moindre impact pour l’environnement qu’un véhicule thermique, qui, lui, continue d’émettre du CO2 toute sa vie. »

Autre point positif, le facteur parfois peu évoqué mais non négligeable du silence de déplacement de ces véhicules. « C’est un élément à prendre en compte quand on sait que le coût social du bruit en France dépasse les 150 milliards d’euros. Le bruit est une nuisance majeure pour les Français », souligne Bertrand-Olivier Ducreux.

C’est cependant aujourd’hui la question de la batterie qui provoque le plus de polémiques sur la dimension plus ou moins verte des voitures électriques. Sur ce point, l’ingénieur de l’Ademe se veut plutôt optimiste. Pour lui, les indicateurs sont meilleurs que prévus, notamment sur la durée de vie des batteries. « Le vieillissement de la batterie n’amène pas à une panne totale mais à une réduction progressive d’autonomie, souligne-t-il. On parle de fin de vie pour une batterie lorsqu’elle a perdu 20 % de sa capacité totale mais tout cela est très arbitraire et on peut toujours utiliser une voiture après une présumée fin de vie de la batterie. »

Des pollutions invisibles

Les propriétaires de voitures électriques ne seraient donc pas forcément contraints à un changement de batterie. Un bon point pour le portefeuille… et surtout pour la planète : les métaux dits « terres rares » indispensables à la fabrication de certains modèles peuvent induire des conséquences désastreuses sur l’environnement.

Auteur du livre La Guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique (1),le journaliste Guillaume Pitron rappelle notamment que l’extraction de ces métaux est extrêmement polluante, et que « la voiture électrique ne fait que déplacer la pollution ». Pour Bertrand-Olivier Ducreux, cette problématique est en effet à prendre au sérieux. « Il est vrai que ces métaux cristallisent des enjeux économiques, environnementaux et diplomatiques très forts », mais il est optimiste car « les avancées technologiques menées par les constructeurs tendent à réduire leur importance, dans l’élaboration des batteries comme des moteurs. »

La voiture électrique a d’autres effets sur l’environnement : certes, elle n’émet pas de CO2 mais elle crée des particules dites « hors échappement », provenant de l’usure des pneus et des freins par exemple. L’OCDE a publié, en fin d’année 2020, un rapport qui prévoit que ces particules deviendront majoritaires sur les routes à partir de 2035. « Les voitures électriques étant plus lourdes, elles émettent encore plus de ces particules-ci », renchérit l’ingénieur de l’Ademe. Or, au même titre que les émissions de gaz à effet de serre, ces dernières ont un impact significatif sur notre santé.

Mieux utiliser plutôt que mieux acheter

Point également plus que sensible, la recharge des batteries. Quelles sources d’approvisionnement en énergie pour les stations ? L’électricité peut être plus verte à partir du moment où elle provient d’énergies renouvelables mais si elle est issue d’énergies fossiles, cela devient problématique.

Le recyclage sera enfin un point clé pour l’avenir. « Aujourd’hui, il n’y a pas suffisamment de voitures électriques pour amorcer une filière de recyclage industrielle complète, explique Bernard-Olivier Ducreux. Le recyclage à grande échelle ne pourra se faire que s’il accompagne les besoins du marché. » D’où l’importance des aides de l’État (prime à la conversion, par exemple) pour rendre plus abordables ces nouveaux véhicules. D’ici à 2024 ou 2025, leur prix pourrait devenir équivalents à ceux des véhicules thermiques.

Au final, l’essentiel n’est peut-être pas tant le modèle de voiture mais plutôt l’utilisation que l’on en fait. « On ne devient pas écologiquement vertueux simplement en achetant une voiture électrique. Un objet de 2 000 kg pour déplacer une personne sur 5 km ne peut pas être écologique », conclut l’ingénieur. Une manière de questionner notre usage actuel de l’automobile et d’insister sur la responsabilité de chacun mais aussi sur l’importance de développer des moyens de transports collectifs.

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